"Stupéfiant", "scandaleux", "flamboyant"... Le Masque a vu "Emilia Perez" de Jacques Audiard (2024)

Le film a été récompensé au festival de Cannes par le Prix du jury et un Prix d’interprétation féminine collectif attribué à ses quatre comédiennes. S'il signe un scénario d'une originalité absolue et prouve qu'il sait se réinventer, le cinéaste récolte des avis contrastés de nos critiques.

Au Mexique, Rita est avocate, mal employée dans un cabinet qui n'est pas vraiment au service de la justice, et une nuit, elle se fait kidnapper. Rita se retrouve face au redoutable Manitas, chef d'un cartel de la drogue, déterminé à devenir lui-même une femme. Manitas deviendra Emilia Perez. Pour cela, il exige que Rita organise l'opération pour sa transition de genre, qu'elle mette en scène son assassinat afin de le faire passer pour mort et qu'elle installe sa femme et ses deux enfants en Suisse. Emilia Perez traverse les genres cinématographiques dans tous les sens, film noir, mélo, telenovelas, comédie musicale.

Charlotte Lipinska s'est délectée!

La journaliste cinéma considère que c'est un film qui n'a peur de rien, du début à la fin. Si elle a tant adoré, c'est aussi parce que lefilm ne ressemble en rien à ce qu'a fait Jacques Audiard jusqu'à présent: "Le cinéaste me surprend de film en film etoffre cette fois-ci un scénario totalement improbable, qui fait que j'ai adhéré assez vite, et dans lequel je n'ai ni eu peur de l'excès, de l'outrance, ni du transgenre du film lui-même, puisque ça va du film noir au thriller, à la quête d'identité, à la question de genre.

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Ajoutez à cela une musique qui vous emporte complètement, puisque le film est continuellement sur un rythme plus ou moins percussif, et c'est assez stupéfiant la manière dont des scènes parlées s'enchaînent de plus en plus vite. J'ai glissé dans cet univers-là avec énormément de délectation.

Quant aux prix à Cannes, les actrices sont absolument formidables et je trouve que le Prix du jury est presque humiliant pour la qualité de ce film. Je ne comprends pas qu'on ait doublé le prix. Il fallait s'arrêter au prix d'interprétation ou aller plus loin."

Xavier Leherpeur scandalisé, horripilé...

Déplorant le "très grand manque de nuance et de subtilité" de Jacques Audiard pour ce film, le critique de 7e Obsession n'a pas voulu faire d'efforts pour retenir le peu qu'il y avait à sauver à ses yeux dans ce film: "C'est un film que j'avais très envie d'aimer. Quand j'ai entendu qu'il avait deux prix et que j'ai lu les retours, j'ai eu très vite envie de le voir, et finalement, ça a été une grosse déception. Ce film me tombe des yeux, bourré de bêtises. Je suis extrêmement gêné par le scénario, par la caractérisation des personnages féminins. Quant au personnage trans, il y a des éléments de dialogue qui m'horripilent, comment peut-on écrire de tels éléments de dialogue? C'est scandaleux.

La mise en scène est ostentatoire, elle veut absolument nous montrer que Jacques Audiard est bien le maître à bord. C'est toujours sommaire, binaire, sans aucune nuance, sans aucune subtilité, le cinéaste est constamment à côté du sujet. Sans oublier le mépris de Jacques Audiard pour la telenovela."

Christophe Bourseiller salue un exercice de style flamboyant malgré un manque de crédibilité

S'il estime que Jacques Audiard est un très grand réalisateur, cette fois-ci, le critique considère qu'il mérite "la Palme d'or de la tarabiscote" : "C'est l'histoire d'un chef de cartel mexicain, un salaud, une ordure, une espèce de tueur fou qui, à partir du moment où il devient une femme, c'est Mère Teresa. Ce qui m'échappe, c'est comment le même personnage peut passer d'un tueur fou à Mère Teresa, c'est aussi crédible que si Jean-Marie Le Pen se transformait en Simone Veil.

Après, c'est une comédie qui est habitée par un exercice de style assez fascinant,à la gloire de la transidentité, mais à quoi bon à l'arrivée?"

Pour Murielle Joudet: "Jacques Audiard prouve qu'il peut constamment se réinventer"

La critique de cinéma pour Le Monde est fascinée par un Jacques Audiard qui fait un film sur des femmes, alors même que les personnages féminins l'indiffèrent totalement en règle générale. Malgré une mise en scène très fastidieuse, le film reste intéressant dans la mesure où le cinéaste parle de lui-même, de son propre renouvellement filmographique: "Quand il s'intéresse aux femmes, c'est assez désastreux, mais sous couvert d'outrance à la Almodovar, eh bien l'emphase, les excès, l'invraisemblance de son film peuvent être possibles.

En revanche, il n'y a pas du tout de travail sur la forme. En termes de mise en scène, c'est assez pauvre, à part les moments musicaux où il y a un dépassement très plaisant à voir, avec une sorte de montée de sucre qui finit très vite par se fatiguer. Finalement, le film finit par ne plus avoir grand-chose à raconter, si ce n'est que Jacques Audiard est amoureux de son propre renouvellement filmographique. Il a fétichisé ce relooking. Le corps d'Emilia Pérez, c'est comme le corps du cinéma d'Audiard, qui peut se transformer."

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Toutes les autres critiques de films du Masque et la Plume sont à retrouver ici.

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